Au début donc, mais pas uniquement, la séduction prend beaucoup de place. L’amour oblatif n’est pas toujours au rendez-vous quotidien. C’est précisément pour cela qu’il faut la “fidélité”. Elle permet d’aller plus loin, de dépasser le jeu des séductions, d’être amené, par les circonstances de la vie, toujours imprévisibles, à aimer l’autre pour lui-même, au moins de temps en temps. La durée vérifiera et purifiera. Aimer, c'est poursuivre ensemble le chemin, par monts et par vaux. De chaque moment de crise, car il y en aura, l'amour sortira plus fort encore. Regardez le bateau qui descend le fleuve. Parfois, il se retrouve emmuré dans une écluse. Il n’y a plus d’horizon. Quand les portes de devant finissent par s'ouvrir, après un temps de patience, un paysage nouveau se dévoile et l’embarcation, désormais un niveau plus bas, comme ayant gagné en profondeur, peut continuer sa navigation et s’approcher de l'océan.

La nature ne nous a pas programmés pour aimer en vérité, mais simplement pour être attirant et nous laisser attirer. Elle nous offre des “pulsions”, à nous de les transformer en amour véritable, d’articuler éros, philia et agapè pour qu’ils se fécondent mutuellement. A la manière de St Paul, je dirais volontiers : J’aurais beau avoir les plus beaux sentiments du monde à ton égard, être passionné par toi, si je n’ai pas l’amour, je ne suis rien. L’amour-agapè, bien sûr ! Tel est le miracle que l’homme et la femme peuvent opérer.

Charles DELHEZ Chronique La Libre Belgique 12 février 2016