Quand Fabiola rencontra Baudouin, il s’agissait d’un mariage arrangé. Ils nous ont prouvé qu’un couple peut se construire par "en haut". Exceptionnel dans notre société contemporaine.

A l’occasion de son décès, les médias ont abondamment discouru à propos du couple exceptionnel que la reine Fabiola a formé pendant de longues années - y compris, d’une certaine manière, après son veuvage - avec le roi Baudouin. Couple exceptionnel par sa fonction représentative, bien entendu, mais aussi par les conditions de sa genèse (est-ce manquer de respect que rappeler qu’il s’agissait d’un mariage arrangé ? Ce qui n’exclut évidemment pas la réalité d’un amour d’élection) et par ses évidentes caractéristiques fusionnelles, quasi mystiques. Ce que le couple royal a vécu dans son intimité lui appartient et ne nous regarde pas, mais il nous a prouvé qu’un couple peut se construire par "en haut", ce qui, à vrai dire, est devenu exceptionnel dans notre société contemporaine.

Et si nous l’observions comme un immeuble de plusieurs étages, ce chantier conjugal ? Tout en haut, nous y trouvons les valeurs et les croyances. Nous aimerions donner à nos valeurs un caractère absolu (le sens de la vie, la vérité, la fidélité, le respect, etc.) et à nos croyances un caractère relatif (nous sommes faits l’un pour l’autre, je suis responsable de ton bonheur, si tu m’aimes tu changeras, etc.). Mais, si nous faisons l’inventaire sincère du contenu de notre "cloud idéel", nous devons reconnaître que cette distinction n’est pas si évidente et que, souvent, nous considérons que nos convictions sont des valeurs, alors que celles des autres ne sont que des croyances !

A l’étage inférieur, nous trouvons le lien rationnel qui relie les cerveaux du couple. Il s’agit de faire équipe, de prendre des décisions, de gérer les heurs et malheurs de l’existence. C’est le monde de l’entente efficace. A ne pas négliger !

Descendons encore pour atteindre l’étage des cœurs, celui des sentiments et des émotions, de la complicité, des partages qui peuvent nous conduire à la découverte de nos besoins existentiels. Puisque, comme on le sait, le senti ment, ce niveau est fragile. Je fais quoi le matin du premier jour où je ne me sens plus amoureux ? Je déménage ou je m’investis dans notre chantier ? Je peux aussi descendre au niveau du corps, de la tendresse, de la présence à soi et à l’autre ou, un peu plus bas, au niveau de la rencontre sexuelle, celle qui donne au couple ses racines et sa fécondité. Le lien sexuel est sans doute le plus puissant de tous et ce n’est pas un hasard si notre métaphore architecturale le situe dans les fondations. Il n’est fragile que s’il est confondu avec la jouissance. Elle n’est évidemment pas à refuser, mais il est bien hasardeux d’en faire le marqueur absolu de la qualité d’une construction conjugale. Les boiteries et les dysfonctions n’empêchent pas de "faire l’amour", c’est-à-dire de fabriquer de l’amour dans la joie d’être vivants.

Voici donc parcourus nos cinq étages : les valeurs idéelles, l’entente rationnelle, la complicité émotionnelle, la tendresse corporelle et le désir sexuel. Ils sont tous importants, quel que soit l’ordre chronologique de leur édification. La métaphore a ses limites, car les étages ne sont pas toujours clairement identifiés par les propriétaires. L’un s’exprime en sentiments, l’autre rationalise. L’un parle de tendresse, l’autre entend du sexe. L’un fait vibrer ses émotions, l’autre défend ses valeurs. Attention aux chutes et aux accidents de travail. Avec ses exaltations et ses découragements, il s’agit pourtant bien d’un chantier permanent. Pour les princes, comme pour les manants.

Armand Lequeux

 mercredi 17 décembre 2014

 La Libre Belgique

Commentaire de RYL:

Belle analyse du chantier enthousiasmant mais complexe de la construction du couple !