« Un tiers des Belges est concerné par le problème de l’éjaculation précoce. »
Par Benedicte De Wagter le mercredi, novembre 6 2013, 12:55 - général - Lien permanent
« Un tiers des Belges est concerné par le problème de l’éjaculation précoce. » Telle était la nouvelle qui faisait hier la une d’une bonne partie des sites d’information de notre Royaume. La DH a même consacré ce matin une double page avec des photos du meilleur goût à cette nouvelle incroyable. Car oui, un Belge sur trois ça fait beaucoup. Trop pour être vrai ?
Le journal De Morgen a enquêté et mis en doute le sérieux de l’étude (et épinglé au passage certains de ses confrères qui ont relayé sans nuance l’information). L’étude en question a été réalisée par l’institut de sondage IPSOS et commandée par une entreprise pharmaceutique, Menarini. Et il se trouve que, par le plus grand des hasards, cette entreprise commercialise un médicament contre l’éjaculation précoce. L’étude qui n’avait rien de scientifique, était un sondage d’opinion sur la perception qu’ont les gens des problèmes érectiles et, comme le signale De Morgen, contredit une étude de l’Université de Louvain selon laquelle le problème ne concernerait que 3,7 % des hommes. Quasi 10 fois moins. En soi mener des enquêtes de perception n’est pas un problème, mais quand il s’agit de questions de santé et que le commanditaire est une entreprise pharmaceutique, la démarche est très limite.
On touche là au paradoxe de la communication pharma. Les entreprises pharmaceutiques sont soumises à des règles très strictes en ce qui concerne la promotion de médicaments vendus sous prescription. Mais pourtant, le secteur fait souvent la « une » avec des initiatives communicationnelles qui ne font que renforcer sa mauvaise réputation. Souvenez vous par exemple du cas du petit Viktor atteint d’une maladie génétique rare qui a ému toute la presse. La firme pharmaceutique Alexion aurait en fait utilisé ce garçon de 7 ans à son insu comme moyen de pression sur la ministre de la santé publique pour obtenir le remboursement de son médicament. Souvent les entreprises pharma sont tentées d’être « créatives » et de contourner les règles, ce qui aboutit à une communication peu transparente à la limite de ce qui est autorisé. Dans certains cas, cela passe. Dans d’autres, le retour de flamme peut être violent. L’article Du Morgen en est le parfait exemple.
Nous conseillons également des entreprises pharmaceutiques dans leur communication, et nous ne sommes plus étonnés de la suspicion à laquelle nous avons affaire tant dans l’opinion publique qu’auprès des médias. A chaque initiative, on nous demande « Qu’est-ce que cela cache ? ». Cela ne nous dérange pas : la santé est un sujet qui implique une bien plus grande prudence et méfiance. Et c’est à l’industrie à prouver sa bonne foi, de communiquer de façon ouverte et transparente les bonnes nouvelles mais aussi les mauvaises, de ne pas exagérer la prévalence d’un trouble, de s’appuyer sur des études scientifiques et des sources qui font l’unanimité,… Le développement et la vente de médicaments est une activité avec de gros enjeux commerciaux, personne ne peut le nier. L’industrie n’est donc pas neutre, mais cela ne peut l’empêcher d’être objective dans sa communication.
Malheureusement, comme souvent, les entreprises qui suivent les règles subiront les conséquences des actions des cow-boys du secteur. Ainsi, une entreprise peut réussir son « coup », manipuler la presse et faire parler d’elle. Cela peut marcher sur le court terme. Mais à plus long terme, c’est toute l’industrie qui devra ramer pour reconstruire sa crédibilité et sa réputation. Il est facile de ruiner une réputation, la reconstruire, par contre… Au final, les agences de marketing qui participent à de telles initiatives sabotent la réputation d’un autre secteur qui n’a pas toujours bonne presse : celui de la communication.
www.outsource.be
commentaire de RYL:
Espérons que les adolescents ne se laissent pas attraper par ce genre d'"info-choc" répercuté par les medias sans vérification préalable, et qu'ils ne se précipitent pas sur ce genre de médicament sans nécessité absolue. Il serait bon d'ailleurs de leur rappeler que ce n'est surtout pas à combinar avec le Viagra...
Commentaires