Tollé belge

La décision du Sénat français a donc fait réagir le microcosme politique belge. Au niveau régional, les ministres compétents souhaitent interdire ce type de concours. "Nous avons déjà pris des mesures renforcées d’information et de prévention, mais mon but est de prendre des mesures similaires à la France" , indique Jean-Marc Nollet, ministre de l’Enfance en Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB). Il a chargé un cabinet d’avocats d’explorer les modalités juridiques d’une éventuelle interdiction en FWB. Pascal Smet et Evelyne Huytebroeck, ministres de la Jeunesse, partagent l’avis de M. Nollet. Cependant, tous ne prônent pas l’interdiction. Pour Bernard De Vos, délégué général aux Droits de l’enfant, il faut plutôt réguler, afin d’éliminer les dérives. Au sujet des mesures à mettre en place, Vincent Magos de Yapaka (programme de prévention en FWB) avertit : "Aucune solution simpliste ne réglera cette question d’autant que les commerciaux n’ont pas attendu les interdictions pour déjà organiser leurs contournements sous des formes de mannequinat et autres activités ‘artistiques’."

De l’autre côté du miroir

Si l’interdiction française vient raviver la controverse, il faut rappeler qu’en Wallonie, ces concours existent déjà depuis les années 90. Beaucoup d’entre eux se concentrent dans le Hainaut, notamment à Mons, Beloeil ou Jemappes. Leurs organisateurs nient toute mauvaise intention : "On a commencé à organiser les concours de mini-miss à la demande des parents" , explique Marie, une organisatrice. Elle poursuit :"L’interdiction serait une mesure exagérée. Il existe bien des concours qui ne jugent pas l’apparence physique, et déconseillent même de mettre du maquillage ou d’autres artifices." C’est le cas de Miss Personality Belgium Wallonie (MPBW), dont l’organisation déconseille le port de jupe et de chaussures à talons pour les plus petites. Ouvert aux enfants de toutes classes sociales, le MPBW compte se profiler comme alternative aux concours de beauté traditionnels. La présidente du MPBW, Ivy Saitta, plaide pour une régulation des pratiques, dénonçant les dérives des concours où on ne respecte pas les jeunes filles.

Un "jeu sérieux"

L’impact des concours de mini-miss n’est pas à sous-estimer. Souvent, ces concours reposent sur le seul critère de la beauté. Comme pour les adultes, il y règne le culte de l’apparence et de la minceur. Cela cause une pression qui peut mener à des troubles de l’image, dont des dysfonctionnements alimentaires comme l’anorexie. A ce sujet, le rapport de Mme Jouanno souligne que "37 % des jeunes filles de 11 ans sont à la diète" . En outre, les enfants prennent parfois plus au sérieux ces concours que leurs parents. L’"échec" peut entraîner une baisse de l’estime de soi ou un sentiment de culpabilité envers les parents.

Lolitas malgré elles

L’hypersexualisation des enfants est régulièrement pointée du doigt. Poses sexy, bouche entrouverte… Transformé en objet sexuel, l’enfant doit se conformer à une image adulte, ce qui influence et fragilise fortement leur construction identitaire. "A l’extrême, l’intrusion précoce de la sexualité entraîne des dégâts psychologiques irréversibles dans 80 % des cas" , précise le rapport de Chantal Jouanno. On accuse les concours d’entretenir le stéréotype de la femme/fille passive, définie par son apparence et existant par sa sexualité. De fait, l’amendement de Mme Jouanno, associé au projet de loi sur l’égalité des femmes et des hommes de Najat Vallaud-Belkacem, compte se profiler comme un pas en avant vers l’égalité des sexes. Il faut l’avouer : que l’on soit pour ou contre les concours de mini-miss, la décision française aura au moins eu le mérite de remettre la problématique sur la table.

La Libre Belgique Publié le dimanche 29 septembre 2013 à 00h00 - Mis à jour le dimanche 29 septembre 2013 à 09h10