"Concours de mini-miss: la pointe de l'iceberg" Bernard De Vos: Délégué général aux droits de l'enfant
Par Benedicte De Wagter le vendredi, octobre 11 2013, 22:09 - Lien permanent
Ce retour
sur le devant de la scène médiatique des mini-miss est l’occasion idéale de
mener, chez nous, une réflexion plus large sur l’hypersexualisation (1) de
notre société. Ces concours sont particulièrement redoutables, d’abord parce qu’ils
imposent une concurrence, parfois violente, féroce, et ensuite parce qu’ils
créent une hiérarchie superficielle et dérisoire en fonction du physique des
enfants. Mais il serait trop simple et réducteur de considérer que ces
manifestations glauques sont la cause de l’hyper-sexualisation de l’espace
public et de notre société pourtant dite “civilisée”.
A bien y réfléchir, les concours de mini-miss ne sont que la pointe émergée de
l’iceberg. Ces compétitions sont révélatrices des évolutions de notre société
au cours de la dernière décennie. Evolutions fulgurantes et peu profitables à
la cause des femmes, et moins encore à celle des enfants, contraints de se
comporter en mini-adultes, à entrer dans une réalité qui n’est pas la leur et
qui les fragilise lourdement.
Face à l’ampleur du phénomène, se limiter à la réglementation, voire
l’interdiction des concours de mini-miss, souvent évoquées ces dernières
semaines, paraîtrait bien hypocrite.
Le sénat français vient de mettre hors-la-loi ces spectacles affligeants que
sont les concours de mini-miss. Défiler en robe à frou-frou ou en maillot, les
cheveux ultra-brushés, les lèvres brillantes de gloss écœurant et les yeux trop
maquillés, à cinq, sept ou douze ans, c’est bon pour rire chez soi, dans
l’intimité bienveillante de sa maison ! Pas sur scène, poussées dans le dos par
des parents avides de reconnaissance pour leurs enfants et pour eux-mêmes, par
procuration. Pas dans le cadre d’un concours stupide et dangereux qui met des
petites filles en compétition malsaine sur base de leur supposée “beauté
physique”.
Ce n’est pas jouer les pères “la pudeur” ou être rétrograde que de mettre en
garde contre les conséquences potentiellement désastreuses pour ces petites
filles : troubles de l’image, désordres alimentaires, fragilisation
identitaire, stress inutile, traumatisme psychologique et, par-dessus tout, la
crainte de décevoir ses parents à un âge où chaque enfant a besoin de se savoir
aimé et chéri sans condition.
Ce retour sur le devant de la scène médiatique des mini-miss est l’occasion
idéale de mener, chez nous, une réflexion plus large sur l’hypersexualisation
(1) de notre société. Ces concours sont particulièrement redoutables, d’abord
parce qu’ils imposent une concurrence, parfois violente, féroce, et ensuite
parce qu’ils créent une hiérarchie superficielle et dérisoire en fonction du
physique des enfants. Mais il serait trop simple et réducteur de considérer que
ces manifestations glauques sont la cause de l’hyper-sexualisation de l’espace
public et de notre société pourtant dite “civilisée”.
A bien y réfléchir, les concours de mini-miss ne sont que la pointe émergée de
l’iceberg. Ces compétitions sont révélatrices des évolutions de notre société
au cours de la dernière décennie. Evolutions fulgurantes et peu profitables à
la cause des femmes, et moins encore à celle des enfants, contraints de se
comporter en mini-adultes, à entrer dans une réalité qui n’est pas la leur et
qui les fragilise lourdement.
Que des enfants ou des jeunes adolescent(e)s défilent, prennent la pose et
adoptent des attitudes et des comportements sexuels jugés inadéquats ou trop
précoces n’en est pourtant qu’un stigmate parmi bien d’autres. Les causes, bien
moins visibles que ces joutes détestables, doivent être mises en lumière :
insidieusement les codes et les messages à caractère sexuel sont aujourd’hui
omniprésents dans la publicité, les médias et sur Internet.
Doucement mais sûrement, les codes de la pornographie ont envahi notre
quotidien à travers les clips vidéo, les publicités, les émissions de
télé-réalité. La très large banalisation des images et des messages à caractère
sexuel, ostensibles ou non, fait que nous y avons développé un taux de
tolérance de plus en plus élevé.
Sans dramatisation ni diabolisation excessives, nous devons reconnaître
qu’au-delà des dégâts individuels considérables auprès d’enfants de tous les
âges, le respect de la dignité humaine et l’égalité entre les sexes constituent
des enjeux collectifs menacés par l’hyper-sexualisation de notre milieu de vie.
En tant qu’institution garante des droits des enfants et de leur intérêt
supérieur, nous ne pouvons ni ne voulons rester sans réaction. Jusqu’à quand
allons-nous accepter que le “système pub” transforme nos fillettes en objets de
désir alors qu’elles n’ont pas encore les moyens d’en être les sujets ? Faut-il
se taire quand le marketing destiné aux filles caricature à outrance les
stéréotypes de genre et valorise une image corporelle stéréotypée ?
Pour être populaire et accéder au bonheur, désormais, il faut être belle selon
des critères précis et difficilement accessibles au plus grand nombre, charmer,
plaire et séduire. Quant aux garçons, ils n’ont qu’à s’organiser pour être
grands, beaux, forts et costauds…
Face à l’ampleur du phénomène, se limiter à la réglementation, voire
l’interdiction des concours de mini-miss, souvent évoquées ces dernières
semaines, paraîtrait bien hypocrite. Ces mesures consensuelles, cet alibi, ne
suffiront pas à endiguer le développement interpellant des stratégies de
communication centrées sur la sexualisation et l’érotisation de l’espace
public. Des pistes et des mesures concrètes existent pour en limiter l’impact.
A titre d’exemple, elles invitent les médias et les publicitaires à limiter les
affichages publics à connotation sexuelle et à mieux encadrer la diffusion de
publicités à caractère “sexuel” ou participant au renforcement des stéréotypes
de genre. Elles ciblent les fabricants de produits et prestataires de services
destinés aux enfants afin de les contraindre à ne plus utiliser les codes de la
sexualité adulte comme ressort de marketing pour des produits destinés aux
enfants.
Ces pistes et ces mesures concernent aussi les parents, les éducateurs et le
grand public : il s’agit d’intégrer la problématique de l’hypersexualisation
dans la formation des personnels de l’éducation, de sensibiliser et soutenir
les parents en les incitant à être vigilants quant aux produits qu’ils
achètent, d’informer sur les contenus implicites ou explicites utilisés par
certaines marques de vêtement ou certains magazines, d’encadrer l’utilisation
d’Internet chez les plus jeunes…
Enfin, il y a lieu de sensibiliser et d’éduquer les enfants, de leur permettre
d’avoir des informations fiables et des contenus éducatifs subtils qui leur
donnent des outils pour comprendre et affronter ce phénomène pour mieux s’en
prémunir, le cas échéant.
Il serait faux de prétendre que notre pays et ses différents niveaux de pouvoir
sont restés insensibles à la question : l’interdiction de diffusion de messages
publicitaires dans des émissions pour enfants ou, plus récemment, la
généralisation des séances d’éducation à la vie sexuelle et affective dans les
écoles sont deux mesures phares qu’il est important de rappeler ici – tout en
restant vigilant pour l’avenir afin d’éviter un retour en arrière pour l’une et
en évaluant les contenus et la généralisation effective de l’autre. Mais le
chantier reste énorme et mérite plus d’attention qu’une simple loi interdisant
des concours de beauté pour enfants !
(1) Le fait de donner un caractère sexuel à un comportement ou un produit qui
n’en a pas en soi.
Bernard De Vos
Délégué général aux droits de l’enfant. LLB 11/10/2013
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