Enceinte, un choix ?

Question de mimétisme ou d’effet de groupe? Influence de la télévision ou de la vie des stars, comme Jamie Lynn Spears, la petite sœur de la chanteuse américaine? Réel choix, “accident” ou acte manqué ? Pour ces jeunes filles parfois juste pubères, les motivations à mener une grossesse à terme sont variées. Tandis que certaines désirent un bébé au plus profond de leur être, d’autres “doivent” faire face à une grossesse qui n’était pas programmée. Et le recours à l’avortement ou la mise à l’adoption ne s’envisage pas, pour elles, pour une question de délais dépassés ou de philosophie. “Dans mon travail avec des adolescentes, j’ai rencontré des filles qui avaient fait le choix de devenir mères, explique Sonia de Crane de l’asbl Axado(2). La situation est particulière à chaque fois. Il ne faut pas toujours dramatiser. Certaines ados sont de très bonnes mamans.

Entre désir de grossesse et désir d’enfant, les jeunes filles s’y perdent parfois un peu. “Souhaiter avoir un bébé, c’est, pour certaines, obtenir un nouveau statut, continue Sonia de Crane, avoir un projet de ‘couple’, s’affranchir de ses parents, sortir d’une enfance parfois difficile ou tout simplement se sentir exister. On peut voir cela aussi comme un appel à l’aide de l’adolescente qui n’a pas eu une bonne relation avec sa propre mère, qui n’a pas de modèle d’identification féminine... Le bébé sert alors à la maman. Une fusion s’opère entre lui et elle. Ou encore ce désir d’enfant comble un manque au niveau affectif.

Adolescence, période chahutée

Le désir de grossesse, quant à lui, peut refléter le besoin de vérifier le bon fonctionnement de son corps. Il peut aussi traduire un comportement caractéristique de l’adolescence : celui des conduites à risques. Les adolescentes qui n’acceptent pas la transformation de leur corps, qui appréhendent mal leur vie sexuelle ou qui grandissent dans une famille où la sexualité est taboue ont tendance à culpabiliser de ces désirs. On constate qu’elles sont moins informées des moyens contraceptifs et donc, en utilisent moins souvent ou moins bien(3). Autre constat: même si les jeunes filles semblent connaître relativement bien les différentes méthodes de contraception, elles ne les utilisent pas à bon escient. De fausses croyances continuent également à circuler, comme l’absence de risque de tomber enceinte lors du premier rapport sexuel.

L’adolescence représente également une période d’insouciance. La majorité des jeunes vivent, à cette période de leur vie, dans le moment présent. Difficile, donc, pour eux de se projeter dans l’avenir. L’utilisation de moyens contraceptifs est par essence inscrite dans une idée d’anticipation, qui ne correspondent pas à l’attitude désinvolte de certains ados. Julie Baivier, intervenante sociale du Service d’aide et d’intervention éducative Tremplin, qui accompagne les mères adolescentes(4), a constaté que certaines jeunes filles, avant leur maternité, ont l’impression de se retrouver dans une “impasse”. L’arrivée d’un enfant se profile, pour elles, comme un nouveau départ. “Ce bébé m’a un peu sauvé la vie”, s’exclame Alice, 16 ans et mamand’un petit garçon de 6 mois. Avec une scolarité parfois difficile et le peu de perspectives d’avenir, fonder une famille devient une issue à leur marasme, comme un sens à leur vie.

Entre rêve et réalité

Les adolescents qui deviennent parents obtiennent un statut difficile à assumer, poursuit Sonia de Crane. Ils sont en même temps parents et mineurs.” Souvent idéalisé, le bébé arrive avec sa dépendance et les soins à lui apporter : les nuits courtes, la régularité des repas, les couches à changer... Des impératifs que les jeunes mamans oublient parfois. La marge qui existe entre la réalité et le rêve est pourtant bien réelle. Sur Internet, on trouve parfois des filles devenues mères avant 18 ans conseillant d’autres qui souhaitent un bébé. Même si elles ne regrettent pas leur choix, elles leur ouvrent les yeux sur le quotidien et les difficultés rencontrées (financières, de temps...). Comme Gwendoline, 18 ans et maman depuis 4 mois : “Beaucoup de choses changent avec un enfant. C’est difficile. On ne peut plus faire grand-chose comme avant.” Concilier la vie de parents et celle d’ado n’est pas une chose simple. Entre les études qu’on met de côté, les amis que l’on voit moins, les sorties dont on se passe, l’enfant accapare souvent une grande partie du temps.

Maman entourée, bébé mieux géré

Quand survient une grossesse chez une jeune adolescente, l’entourage familial, scolaire ou institutionnel reçoit simultanément trois mauvaises nouvelles, remarque le pédiatre français, Patrick Alvin. La première : ‘elle a une vie sexuelle’ ; la seconde : ‘elle est enceinte’; enfin la troisième et non des moindres : ‘...et si jamais elle l’avait cherché?’ Aujourd’hui, l’adolescente enceinte est d’abord jugée coupable de n’avoir pas su gérer son ‘devoir contraceptif’. Elle reste ensuite peu ou prou moralement fautive d’avoir fait une bêtise”.

Pourtant, le soutien qu’elle trouve auprès des siens ou dans des institutions telles que les plannings familiaux lui permettra de s’épanouir dans la maternité et d’accueillir et d’élever son enfant dans les meilleures conditions. L’intervenante sociale du service Tremplin le confirme : “L’âge de la maman n’est pas un problème. Ce qui compte, c’est qu’elle ne soit pas seule, qu’elle soit bien entourée au niveau social et familial.” Chacun doit y trouver son rôle: le papa de l’enfant fuira ou prendra ses responsabilités, les nouveaux grands-parents prennent parfois trop de place en se substituant aux jeunes parents ou au contraire, rejettent leur fille ou leur garçon avec leur bébé... “Moi, ma mère et mes beaux-parents nous aident, mon copain et moi, pour garder notre enfant quand je suis à l’école”, explique Gwendoline, 18 ans.

Si certaines adolescentes perdent pied une fois le bébé arrivé, d’autres mûrissent d’un coup. Elles s’investissent dans l’éducation de l’enfant, adoptent une vie plus calme, reprennent leurs études...

Des aides en Belgique

Dans les faits, la plupart des mères adolescentes vivent en couple avec le père de l’enfant ou leur nouveau compagnon. Les autres sont encore chez leurs parents. Une infime proportion est hébergée dans des maisons maternelles (ndlr : maison accueillant des jeunes femmes en difficulté qui sont enceintes ou déjà mères).

En Belgique, les structures qui peuvent aider les jeunes filles sont variées: services d’aide à la jeunesse (SAJ), aides en milieu ouvert (AMO), CPAS, plannings familiaux, Office de la Naissance et de l’Enfance (ONE)..., énumère Sonia de Crane. Mais la coordination entre chacune d’entre elles est parfois difficile, du fait que ces institutions se connaissent mal.” L’entourage scolaire de l’adolescente joue également un rôle de soutien durant la grossesse pour éviter le décrochage. Les éducateurs, les professeurs... peuvent se former à l’accompagnement des jeunes qui vivent une grossesse précoce. L’école tient également une place en amont, utile quant à l’information sur la sexualité et sur la contraception.

Un numéro gratuit d’écoute, le 103, peut notamment venir en aide aux jeunes qui se posent des questions sur leur sexualité, sur les relations amoureuses ou tout simplement sur leur avenir.

Le plus important reste que la jeune fille se sente entourée face à ce changement important de sa vie.

//VIRGINIE TIBERGHIEN

(1) Extrait de la chanson Aurélie du Colonel Reyel, sortie en 2011. (2) www.axado.be

(3) Berrewaerts J. et Noirhomme-Renard F., Les grossesses à l’adolescence: quels sont les facteurs explicatifs identifiés dans la littérature ?, Unité d’Education pour la Santé (UCL-RESO), 2006.

(4) 02/204.06.05 – www.tremplinsaie.be