Le problème se situe moins au niveau du Centre d’action laïque qu’à celui de l’administration qui a diffusé ses idées.

Une polémique est née récemment à l’occasion de la diffusion par l’administration de la Communauté française d’un "dossier pédagogique" du Centre d’action laïque relatif à (la promotion de) la loi sur l’avortement. En Belgique, l’Etat est réputé neutre. Peut-il ne pas en aller de même pour l’administration ?

Ces quelques lignes visent à éclairer les termes d’un débat qui n’a rien d’anecdotique si l’on prend la mesure de l’activisme de la laïcité organisée depuis de nombreuses années, et ce dans nombre de débats publics : interdiction du port du voile à l’école, réseau unique d’enseignement, exigence de séparation plus claire de l’Eglise et de l’Etat, etc. Qu’on nous comprenne bien : le Centre d’action laïque a le droit d’avoir ses idées et d’en faire la propagande. C’est le principe de la liberté d’expression. Et c’est aussi l’honneur des démocrates - dont nous sommes - de dire "même si je ne partage pas vos idées, je me battrai pour que vous puissiez exposer les vôtres".

En l’espèce, le problème se situe donc moins au niveau du Centre d’action laïque lui-même qu’à celui de l’administration qui a servi d’instrument pour assurer la diffusion de ses idées. Trois principes sont interrogés.

Tout d’abord celui de la neutralité de l’Etat à l’égard des différentes convictions : ce principe est lié à la garantie constitutionnelle des droits et libertés des minorités idéologiques et philosophiques. L’Etat est neutre, il n’est pas laïque au sens où il épouserait une idéologie particulière qui est celle véhiculée par le Centre d’action laïque. Il est utile, à cet égard, de se rappeler que cet organisme est reconnu et financé au titre de la législation sur les cultes. Imaginerait-on l’administration diffuser les publications d’un des autres cultes reconnus ?

La liberté pédagogique des pouvoirs organisateurs ensuite, consacrée par le principe constitutionnel de la liberté d’enseignement. Parce que l’éducation peut difficilement être neutre, ce n’est pas à l’administration de diffuser des "dossiers pédagogiques", surtout, comme c’est le cas ici, lorsqu’ils traduisent un engagement pour une conception particulière du "vivre ensemble". S’il est souhaitable que l’administration dispose d’une certaine autorité dans les domaines qui sont les siens, il est d’autant plus nécessaire pour sa propre crédibilité qu’elle s’abstienne dans les domaines qui ne sont pas de son ressort.

L’interdiction, enfin, de toute propagande politique et commerciale dans les établissements, prévue par le pacte scolaire. L’analyse des contenus des sites Internet recommandés et relayés par la circulaire font apparaître un militantisme proprement politique : une certaine lecture de l’Histoire, une mise en évidence particulièrement flatteuse du rôle du parti socialiste, un dénigrement du rôle historique des partis de tradition chrétienne, etc.

Le SeGEC et l’UFAPEC, qui représentent respectivement les pouvoirs organisateurs et les parents de l’enseignement catholique, envisagent actuellement d’introduire conjointement une plainte auprès de la Commission "ad hoc" créée en application du pacte scolaire, non pour mettre en cause une personne dont la compétence dans son domaine est reconnue, mais parce que l’évolution observée du rôle des autorités et de l’administration publiques dans la partie francophone du pays semble le suggérer.

 

Commentaire de RYL :

Loin de nous de vouloir commencer à faire de la politique, ou d’empêcher certaines opinions de s’exprimer de manière démocratique. Mais ce débat nous incite à réaffirmer avec force combien nous trouvons important pour les jeunes de pouvoir être informés de manière pluraliste, ouverte et complète. Il n’est pas « neutre » de faire de la publicité pour certaines manières de penser, au détriment d’autres approches tout aussi justifiées. Le sujet de l’avortement est bien trop complexe et délicat pour le présenter aux adolescents de manière simpliste. Aidons-les entre autres à percevoir le fossé qu’il y a entre « droit » et « dépénalisation ».