Féminisme, Gender, famille:

Quelles perspectives?

 

 

Le titre de l'exposé est explicite: nous allons regarder l'avenir plus ou moins proche, mais en partant du passé.

 

Même si la théorie du genre est apparue aux États-Unis à la fin des années 1960, c'est au cours de la IVe Conférence mondiale des Nations Unies sur la femme, qui a eu lieu en septembre 1995 à Pékin, que le mot genre a fait parler de lui au niveau international.

 

A Pékin, les partisans de la perspective du genre ont fait circuler la définition suivante:

 

"Par genre, on entend les rôles et responsabilités socialement déterminés de la femme et de l'homme. Le genre dépend de la manière dont nous nous percevons et croyons penser et agir comme femmes et hommes, en vertu de la structure sociale et non de nos différences biologiques".

 

Le mot "sexe" fait référence aux caractéristiques physiologiques qui définissent les hommes et les femmes. On se situe au niveau biologique et on va employer les mots "mâle" et "femelle" pour parler du sexe. Derrière les mots "homme" et "femme", se cache une vision du "mâle" et de la "femelle" qui est construite par la société. Le genre est une construction sociale qui crée la nature de chaque individu. C'est la société qui modèle le comportement masculin ou féminin. Selon les féministes radicales actuelles, il faut déconstruire le modèle que la société impose à la femme; il faut abolir les genres, afin qu'il n'y ait plus ni hommes, ni femmes. Les hommes et les femmes n'existent pas, ce sont des catégories sociales oppressives.

 

Pour comprendre l'engouement suscité par le "gender", il nous faut remonter dans l'histoire de la pensée occidentale afin d'y retrouver les origines des idées véhiculées à l'heure actuelle sous le couvert du "gender".

 

 

Un peu d'histoire

 

Historiquement, et sans remonter au delà du XVIIIe siècle, tout est parti de Malthus. La renommée du célèbre pasteur anglican tient à la simplicité apparente de sa thèse centrale. La croissance des ressources alimentaires est dramatiquement insuffisante pour assurer la nourriture de la population qui, elle, croît beaucoup plus rapidement. Nous allons donc inéluctablement à une famine catastrophique. Cette thèse de Malthus s’est immédiatement imposée par son simplisme et son apparente évidence. Non seulement elle n’a jamais été démontrée, mais sa fausseté a été établie par les faits déjà du vivant de Malthus lui-même. La thèse de Malthus est le type même de l’affirmation idéologique qui monte en épingle un aspect particulier d’une réalité concrète et escamote d’autres aspects parce que dérangeants. Ainsi, les analyses que Malthus expose de la pauvreté sont des plus sommaires; il n’envisage rien d’autre que l’abstinence pour remédier aux causes de la pauvreté; de même il considère les ressources alimentaires de façon fixiste.

 

Les descendants de Malthus ont pris pour argent comptant la thèse de leur maître, lui imputant une évidence qu’elle n’avait pas. A leurs yeux comme aux yeux de Malthus lui-même, la thèse centrale était tellement évidente qu’elle n’appelait pas de vraie démonstration.

 

C’est à partir de cette assise purement "virtuelle" que le néo-malthusianisme s’est développé. Au malthusianisme originaire, le philosophe Jeremy Bentham a ajouté la contraception; la féministe américaine Margaret Sanger a fait valoir le droit au plaisir individuel et contesté le mariage. Peu à peu apparaissent d’autres recommandations : recourir à la stérilisation, à l’avortement, et actuellement à l’euthanasie. Il faut adapter les lois pour légaliser ces pratiques, et ces pratiques, une fois légalisées, ouvrent à des droits.

 

Chez Malthus on trouve encore une certaine préoccupation morale. Il reconnaissait une place au mariage. Durant la période où le mariage est différé, hommes et femmes sont rappelés à leur devoir de continence. Une fois mariés, les époux devront encore modérer leur activité sexuelle. Mais dès Bentham, les choses changent et commence à apparaître l’idée selon laquelle, dans ou hors mariage, les individus ont droit au plaisir sans risque de conception. Dès lors, les moyens appropriés devront être mis à la disposition de tous. Les nouveaux droits seront donc étendus aux adolescents. Les parents n’auront aucun droit de regard sur le comportement sexuel de leurs enfants. Cette extinction de l’autorité des parents n’est qu’un des traits qui signalent le naufrage annoncé de la famille.

 

Grande figure du courant néomalthusien, l'américaine Margaret Sanger est à l'origine de la création en 1952 de l'IPPF, fédération internationale du planning familial. Margaret Sanger a milité en faveur de la contraception, de l'avortement et s'est battue afin que le contrôle de la population mondiale soit effectué par un organisme international. C'est dans ce contexte que Margaret Sanger voulait que la femme se révolte contre la servitude du sexe et la domination de l'homme. La maternité enchaîne la femme; elle est cause directe de l'augmentation de population et par conséquent elle est une menace pour l'environnement. Le devoir de la femme est de se libérer de ce fardeau. Femme riche, Margaret Sanger n'a jamais remis en question les inégalités sociales de son époque. Son discours adressé aux pauvres peut être résumé comme suit: faites comme nous, les riches: contrôlez vos naissances, et vous deviendrez riches comme nous.

 

Il est donc urgent de mettre au point des méthodes contraceptives efficaces et bon marché destinées aux masses. Dans les années 1950, Margaret Sanger rencontre le Dr Pincus et lui trouve des fonds pour ses recherches. Elles aboutiront à la mise au point de la pilule contraceptive. Dans ses écrits, Pincus dit clairement qu'il faut trouver un produit qui agira sur le contrôle des premiers stades du processus de la reproduction humaine: blocage de l'ovulation, modification du mucus cervical pour bloquer les spermatozoïdes, et s'il y a quand même eu fécondation, empêchement de la nidation. La pilule contraceptive est née.

 

Lors de la deuxième conférence sur la population, qui a lieu en 1965 à Belgrade sous l'égide de l'ONU, certains orateurs citent en exemple l'Union Soviétique. Le nombre des naissances y a baissé grâce à l'avortement, la contraception, la stérilisation, mais aussi l'entrée massive des femmes sur le marché du travail: les femmes qui travaillent hors foyer ont moins d'enfants que les femmes qui n'ont pas de profession.

 

La première conférence internationale explicitement consacrée à la femme est organisée à Mexico en 1975, année internationale de la femme.

 

Dans son message relatif à la célébration de l'année internationale de la femme, la finlandaise Helvi Sipilä, Secrétaire générale de la Conférence, regrette l'absence de contribution des femmes au développement de leur pays.

 

"Cela tient à de nombreuses raisons, en particulier au comportement traditionnel des hommes comme des femmes et à la division des droits et responsabilités en fonction de conceptions stéréotypées du rôle des sexes, attitude qui, dans une large mesure a privé les femmes de la possibilité de sortir de leur rôle traditionnel de mère et de ménagère."

 

Pourquoi s'intéresse-t-on tout à coup aux droits de la femme?

 

La réponse est donnée par Mme Sipilä dans son discours inaugural lors de la conférence de Mexico:

 

"Il est grand temps de se rendre compte que la négation des droits de la femme et de ses chances est à la racine même de nos problèmes de développement et des maux socio-économiques, incluant l'analphabétisme, la malnutrition, la pauvreté de masse et des taux de croissance de population incontrôlés".

 

Le message est clair: le succès des politiques de contrôle de population dépend du succès du contrôle de la fécondité de la femme. Pour y arriver, des mesures doivent être prises: non seulement il faut éduquer les femmes, leur donner une indépendance économique, mais surtout il faut un changement radical de la vision de la femme. Considérer la femme comme mère relève d'une conception stéréotypée dont il faut se débarrasser. Il faut dématerniser la femme.

 

En 1980 a lieu à Copenhague une conférence internationale sur les femmes. Retenons de cette conférence une analyse des racines de l'inégalité vécue par les femmes: la division du travail entre les sexes (le mot "sex" est seul utilisé), division basée sur la maternité. C'est parce qu'elle peut être mère que la femme a été confinée et écrasée dans l'espace privé et écartée de l'espace public, réservé aux hommes.

 

         Lors des conférences suivantes, le même message est répété dans des termes et des contextes différents: il faut stabiliser le plus rapidement possible la population mondiale, et le meilleur moyen est d'agir sur la fécondité des femmes.

 

En 1994, c'est la Conférence du Caire, sur la Population et le développement. Le terme "santé reproductive" entre en scène. L'augmentation de la production et de la diffusion des moyens contraceptifs (ou souvent abortifs) fait partie de la politique de santé reproductive, dès l'adolescence. C'est toujours la même vieille idée: contrôler la population mondiale, et ce par tous les moyens. La santé reproductive devient une affaire d'individus, non de couples. Quant aux familles, elles sont présentées comme ayant un caractère polymorphe: unions hétérosexuelles, homosexuelles, lesbiennes, "familles" recomposées, "familles" monoparentales masculine ou féminine, en attendant les unions pédophiliques (déjà prônées par certains) ou même incestueuses.

 

1995, Pékin, conférence sur les femmes. Dès avant la conférence de Pékin, des ONG se sont activées pour faire passer les idées féministes. L'ONG WEDO (organisation s'occupant d'environnement et de développement selon un point de vue féministe), dirigée par l'Américaine Bella Abzug a dominé les ONG et exercé d'énormes pressions pour faire passer le terme "gender".

 

Il faut amener chacun à se rendre compte que sa vision de l'homme et de la femme repose sur des constructions sociales souvent marquées par la domination masculine. Le sexe féminin est opprimé par le sexe masculin.

 

La maternité limite la pleine participation des femmes dans la société (§ 29 du Programme d'action). Les femmes doivent sortir de la famille et trouver leur épanouissement dans le travail à l'extérieur. Dans le Programme d'Action adopté à Pékin, on dit:

 

"30. (…) Le soin de s’occuper des enfants, des malades et des personnes âgées incombe surtout aux femmes, en raison de l’inégalité avec les hommes et d’un déséquilibre dans la répartition du travail, rémunéré et non rémunéré, entre les sexes."

 

Cet extrait est très clair. Le fait de s'occuper de ses enfants est un signe d'inégalité, d'infériorité. Pour que la femme devienne l'égale de l'homme, il faut qu'elle puisse occuper un emploi rémunéré et non se consacrer à sa famille. Elle y parviendra en passant par la planification familiale. Le paragraphe 92 affirme:

 

"Il faut être en bonne santé pour pouvoir mener une vie productive et satisfaisante et les femmes n’auront aucun pouvoir d’action tant qu’elles ne jouiront pas du droit de gérer tous les aspects de leur santé, en particulier leur fécondité."

 

Cette gestion de la fécondité passe par la dépénalisation de l'avortement.

 

Selon les féministes du genre, il faut casser le modèle du couple fidèle, marié, monogamique et hétérosexuel, dans lequel la sexualité est vue comme ayant aussi un rôle procréatif. Il n'y a pas qu'une forme monolithique de sexualité, l'hétérosexualité, liée à une forme de plaisir, mais il y a des sexualités multiples, liées à des érotismes, des plaisirs multiples. L'expression sexuelle personnelle ne doit en rien être freinée par la religion, la morale ou la loi et cette expression sexuelle peut changer à tout moment, au gré des partenaires.

 

Les nombreuses réunions de l'ONU qui ont eu lieu après la Conférence de Pékin continuent à insister sur la stabilisation de la population mondiale, la sauvegarde de la planète, l'accès de tous, y compris des adolescents, à la planification familiale, l'avortement sans risques, la lutte contre l'image stéréotypée de la femme réduite à son rôle traditionnel de mère.

 

 

La déconstruction de la société

 

La théorie du "gender" est apparue dans les milieux universitaires américains dans les années 1960 et s'est infiltrée partout dans le monde.

 

Comme Margaret Sanger, les féministes radicales veulent détruire la famille, déconstruire la société.

 

-        Il faut dénoncer les rôles assignés à l’homme et à la femme dans toutes les sociétés. Nous devons comprendre que notre perception de la réalité repose sur des constructions sociales marquées par le patriarcat.

-        Il faut ouvrir les yeux et prendre conscience du contrôle permanent de l'homme sur la femme et les enfants, qui perpétue la position subordonnée de la femme.

-        Les hommes et les femmes ne ressentent pas d'attraction pour les personnes du sexe opposé par nature, mais plutôt à cause d'un conditionnement de la société. L'hétérosexualité n'est plus l'orientation sexuelle habituelle du comportement de l'être humain. Si les chromosomes X et Y sont une réalité, les orientations que se donnent les individus peuvent être tout autres: hétérosexuels, homosexuels, bisexuels, transsexuels, travestis, etc. Je peux à tout moment changer mon orientation sexuelle selon ma recherche de tel ou tel plaisir corporel, d'où l'importance des expériences érotiques. Par conséquent, le désir sexuel est orienté vers qui l'on désire à ce moment de notre existence. La dualité traditionnelle, masculin-féminin, vole en éclat. Notons que se pose la question de savoir où s'arrêter dans la poursuite des expériences érotiques: le parti hollandais NVD (Charité, liberté et diversité) milite pour la légalisation de la pornographie enfantine et des relations sexuelles entre adultes et enfants. Il préconise aussi la zoophilie.

-        Le droit à la liberté sexuelle des individus doit êtreproclamé; il ne doit être assorti d'aucune contrainte, d'aucune limitation. L'individu n'a à répondre de ses actes que devant lui-même. Contraception et avortement doivent être accessibles à tous, sans exception.

-        Les mots comme "mère", "famille", "maternité", "fils/fille", "père", etc. sont vidés de toute pertinence et sont affublés de significations tout à fait déroutantes. Le monde naturel est nié au profit d'un monde imaginaire qui va remplacer le monde réel.

-        Les normes de la morale familiale traditionnelle doivent être enterrées. Le législateur est pressé d'entériner les comportements les plus bizarres. Les "modèles" les plus étonnants d’union ou de désunion bénéficient d’une couverture légale. Toute personne qui se présente comme hétérosexuelle est soupçonnée d'homophobie.

-        L'éducation est une stratégie importante pour changer les préjugés concernant les rôles de l'homme et de la femme dans la société. La destruction de la famille biologique permettra l'émergence d'hommes et de femmes nouveaux, libérés de toutes les formes d'oppression.

-         

En résumé, il faut déconstruire la famille, le mariage, la maternité, la féminité même pour que le monde puisse être libre.

 

 

La libération de la femme par le travail

 

La théorie du gender repose entre autres sur une interprétation néo-marxiste de l'histoire. On sait que, selon Marx, la lutte des classes était, par excellence, la lutte opposant le capitaliste et le prolétaire. Pour Engels, cette lutte est d'abord celle qui oppose l'homme -le maître, et la femme -son esclave. La famille hétérosexuelle et monogamique serait le lieu par excellence de l'exploitation et de l'oppression de la femme par l'homme. La libération de la femme passe donc par la destruction de la famille et l'entrée de toutes les femmes sans exception dans le monde des travailleurs. Une fois "libérée" du joug marital et du fardeau des maternités, la femme pourra occuper la place qui lui revient dans la société de production. Homme et femme seront enfin égaux parce que tous deux travailleurs.

 

Dans son ouvrage, Le deuxième sexe, Simone de Beauvoir a écrit: "On ne naît pas femme. On le devient."

 

Le modèle communiste soviétique l'a séduite:

 

"Un monde où les hommes et les femmes seraient égaux est facile à imaginer car c'est exactement celui qu'avait promis la révolution soviétique: les femmes élevées et formées exactement comme les hommes travailleraient dans les mêmes conditions et pour les mêmes salaires; la liberté érotique serait admise par les mœurs, mais l'acte sexuel ne serait plus considéré comme un 'service' qui se rémunère; la femme serait obligée de s'assurer un autre gagne-pain; le mariage reposerait sur un libre engagement que les époux pourraient dénoncer dès qu'ils voudraient; la maternité serait libre, c'est-à-dire qu'on autoriserait le birth-control et l'avortement et qu'en revanche on donnerait à toutes les mères et à leurs enfants exactement les mêmes droits, qu'elles soient mariées ou non; les congés de grossesse seraient payés par la collectivité qui assumerait la charge des enfants, ce qui ne veut pas dire qu'onretirerait ceux-ci à leurs parents mais qu'on ne les leur abandonnerait pas."

 

La famille est le lieu de l’oppression de la femme, à qui le mâle impose des maternités insupportables. Des maternités, dont – assure l’idéologie du "gender" - la femme doit être libérée afin de pouvoir se réaliser en participant à la production. L’enfant n’est plus un don; c’est un obstacle à la réalisation individuelle. C'est en tant qu'épouse et en tant que mère que la femme est d'une certaine façon "culpabilisée". Il faut "dématerniser" la femme en lui donnant accès à toutes les formes de contraception et d'avortement.

 

L'idéologie du "gender" s'inspire également du structuralisme et considère que chaque culture produit ses formes de vie en société. La vision de l'homme, de la femme, de la famille, sont relatives à chaque culture. La culture dite traditionnelle doit être dépassée "car elle opprime la femme". Les femmes doivent prendre la tête d'une nouvelle révolution culturelle, et celle-ci produira de nouvelles règles de conduite. Cette nouvelle culture considère que les différences de rôles entre les sexes n'ont aucun fondement naturel; elles sont apparues à une certaine époque de l'histoire et sont le produit d'une culture en voie d'extinction. Le moment est venu qu'elles disparaissent, car cet épisode de l'odyssée humaine est révolu.

 

La théorie du "gender" s'est infiltrée dans le tiers-monde. Faisant écho à Malthus, elle sert de nouvelle justification aux classes riches pour ne pas lutter contre la misère. La seule réponse proposée à la situation des femmes pauvres, c'est qu'elles soient elles-mêmes complices de programmes de contrôle des naissances.

 

 

Un obstacle de taille: le message de l'Église catholique

 

Selon les féministes, la Bible et l'Église catholique véhiculent un enseignement qui opprime la femme. Pourquoi Dieu serait-il père et non pas mère? Pourquoi Jésus est-il un homme blanc, non une femme noire? Et ne parlons pas du pauvre Saint Paul!!!

 

Je vais me contenter de lancer quelques pistes de réflexion en évoquant rapidement la pensée de Jean-Paul II, ce pape qui a accordé tant d'attention à la femme! Je donne ces pistes en vrac. Il est intéressant de se rendre compte que la pensée de Jean-Paul II provient d'une raison humaine éclairée par la Parole divine. Vous remarquerez sans peine que le Pape avance des arguments théologiques, mais aussi des arguments de bon sens, que chacun peut faire siens.

 

-        Selon le texte de la Genèse, Dieu a voulu l'être humain, l'homme comme la femme. Il y a un projet de Dieu sur l'humanité, projet qui passe par une humanité sexuée.

-        L'homme a été créé par Dieu homme et femme, être social, être de relations. Il y a en l'homme une inclination naturelle à la sociabilité: nous sommes faits pour vivre en société. Nous avons besoin les uns des autres, nous sommes tous solidaires, mais aussi tous égaux.

-        Dans son texte, intitulé Lettre aux femmes, écrit en préparation de la Conférence de Pékin, Jean-Paul II insiste sur le fait que la femme est le complément de l'homme, comme l'homme est le complément de la femme: la femme et l'homme sont entre eux complémentaires. "Lorsque la Genèse parle d''aide', elle ne fait pas seulement référence au domaine de l'agir, mais aussi à celui de l'être. Le féminin et le masculin sont entre eux complémentaires, non seulement du point de vue physique et psychologique, mais ontologique. C'est seulement grâce à la dualité du 'masculin' et du 'féminin' que l''homme' se réalise pleinement."

-        L'homme comme la femme ne peuvent pleinement se trouver que par le don désintéressé d'eux-mêmes: l'épanouissement total de l'être humain ne peut passer que par le don désintéressé de soi. Pour la femme, cela signifie aussi bien la célibataire, que l'épouse, la mère de famille, la divorcée, la consacrée: toute femme! Dans le couple, "le don désintéressé de soi" de la part de la femme attend en réponse d'être parachevé par un "don" analogue de la part de son mari.

-        Le couple selon le texte de la Genèse est composé d'un homme et d'une femme, s'engageant à être fidèles l'un à l'autre, à l'image de l'alliance indissoluble entre Dieu et les hommes. La famille est la cellule de base de la société. La famille est lieu de solidarité, d'interdépendance consentie, de fidélité. C'est le lieu où des personnes s'engagent librement à construire ensemble une communauté nouvelle, stable et ouverte à la vie, à l'enfant.

-        Nous ne trouvons nulle part dans les textes pontificaux une condamnation du travail de la femme à l'extérieur du foyer. Homme comme femme, chacun doit pouvoir aller à l'école et profiter des bienfaits de l'enseignement. A travail égal, salaire égal, quel que soit le sexe. Dans son message pour la XXXème Journée mondiale des Communications sociales, de 1996, le Pape dit:

-         

"Tout d'abord, (…), la maternité est souvent pénalisée au lieu d'être récompensée, bien que l'humanité doive sa propre survie aux femmes qui ont choisi d'être des épouses et des mères. Il est sans doute injuste que ces femmes fassent l'objet d'une discrimination, sur le plan économique ou social, précisément pour avoir suivi cette vocation fondamentale. De même, je voudrais souligner qu'il existe un besoin urgent d'obtenir partout une égalité effective dans tous les domaines: la parité des salaires à travail égal, la protection des mères qui travaillent, un juste avancement dans la carrière, l'égalité des époux dans les droits de la famille et la reconnaissance de tout ce qui est lié aux droits et aux devoirs du citoyen dans un régime démocratique."

 

-        N'en déplaise aux messieurs, selon l'Église, la femme n'est pas uniquement éducatrice de ses enfants. Elle est d'abord éducatrice de son mari. Qu'on le veuille ou non, le fait est là: c'est la femme qui porte l'enfant et qui apprend à l'homme son rôle de père!

-        Pour le Pape, c'est la femme, plus que l'homme, qui peut transformer la civilisation de mort en civilisation d'amour. Dieu a réservé à la femme une place unique: c'est elle qui lutte pour l'homme, pour son véritable bien, pour son salut. La femme est éducatrice à l'amour, éducatrice de l'enfant mais aussi éducatrice de l'homme. En 2004, à Lourdes, Jean-Paul II a déclaré:

-         

"De cette grotte, je vous lance un appel spécial à vous, les femmes. En apparaissant dans la grotte, Marie a confié son message à une fille, comme pour souligner la mission particulière qui revient à la femme, à notre époque tentée par le matérialisme et par la sécularisation: être dans la société actuelle témoin des valeurs essentielles qui ne peuvent se percevoir qu’avec les yeux du cœur. A vous, les femmes, il revient d’être sentinelles de l’Invisible ! A vous tous, frères et sœurs, je lance un appel pressant pour que vous fassiez tout ce qui est en votre pouvoir pour que la vie, toute vie, soit respectée depuis la conception jusqu’à son terme naturel. La vie est un don sacré, dont nul ne peut se faire le maître."

 

-        L'homme comme la femme sont appelés à exister pour autrui, à devenir un don. Le modèle est le Dieu des Chrétiens. C'est par la contemplation du Dieu des Chrétiens que l'Église propose à ses fidèles une vision bien précise de l'homme et de la femme, qui nous fournit une base solide pour une discussion avec des non-croyants.

 

 

Apport inattendu des économistes!

 

         En économie, une des questions abordées est la question de la richesse d'une nation. Est-ce que la richesse d'une nation provient de la production agricole, du commerce, des ressources minières? Pour les économistes contemporains, la richesse d'une nation provient de son capital humain: le capital humain, ce sont les capacités, les connaissances, les compétences qu'une personne acquiert par l'éducation, la formation et l'expérience. Pour augmenter la richesse d'une nation, il faut investir dans le capital humain.

 

         Quelle est la place de la femme et de la famille dans la notion de capital humain?

Pour répondre à cette question, je me baserai sur les études de l'économiste français Jean-Didier Lecaillon et sur celles de l'économiste américain Gary Becker.

 

La famille, c'est-à-dire l'union stable et durable d'un homme et d'une femme, est le mode le plus efficace pour assurer la reproduction et le renouvellement des générations.

 

La famille est le premier lieu de l'éducation de l'enfant. Elle est donc le premier lieu de formation du capital humain. Elle est donc un lieu fondamental pour la production de richesses d'une nation. Quand on lit des études sur la délinquance juvénile ou le décrochage scolaire, on voit qu'ils sont souvent liés à des situations familiales difficiles (familles monoparentales, divorces, indifférence des parents face à la scolarité de l'enfant, violences verbales ou physiques dans la famille). Les jeunes enfants sont d'abord influencés par le milieu familial. L'appui et l'encouragement de la famille constituent le meilleur fondement du développement positif de l'enfant.

 

Dans une famille, l'enfant apprend la solidarité; il apprend à vivre avec. La famille est la cellule de base de la société. Détruire la famille amène l'être humain à devenir un individu isolé, manipulable, un individu qui, comme la philosophe Hannah Arendt l'a montré, n'a aucun repère, est seul, sans rapports sociaux normaux, et devient ce qu'elle appelle un individu perdu dans la masse, une proie facile pour la propagande, prêt à suivre n'importe quel chef dans un régime totalitaire. Seule la volonté du chef va compter pour l'individu. Tout régime totalitaire va donc s'employer à détruire les liens familiaux.

 

Dans la famille, quelle est la personne qui connaît le mieux l'enfant jeune, si ce n'est la mère? L'économiste Gary Becker a chronométré le travail à la maison de la mère: éducatrice, infirmière, couturière, cuisinière, chauffeur de taxi, psychologue, etc. Son travail (non reconnu par l'attribution d'un salaire) est source de richesses pour le pays: par le fait de donner la vie et d'éduquer l'enfant, elle participe de manière privilégiée à l'augmentation de la richesse du pays en développant les potentialités de l'enfant. Jean-Didier Lecaillon parle de la mère de famille en la qualifiant de chef d'entreprise.

C'est au sein de sa famille que l'enfant acquiert un certain nombre de qualités qui lui permettront de s'insérer dans la vie sociale et professionnelle. Il y a donc ici tout un champ de recherches à explorer pour les économistes comme pour les politologues.

 

En effet, la question de la place de la politique familiale (ou de l'absence de politique familiale) doit être posée. Que fait-on pour valoriser la mère qui décide de se consacrer à sa famille? Que fait-on pour aider la mère de famille qui désire travailler à l'extérieur? Quel modèle familial privilégie-t-on? Le mariage homosexuel revalorise-t-il la maternité et la paternité? Quelle est la place que l'entreprise accorde aux conditions de la vie familiale de ses employés? A nouveau, je vais citer Jean-Didier Lecaillon: le capital humain est un facteur prépondérant du développement. Or la formation de celui-ci passe par une politique de promotion de ce lieu d'apprentissage du vivre ensemble: la famille, entreprise à part entière…

Anne-Marie Libert