1) Extraits du livre : Quel avenir pour la famille ? Le coût du non-mariage.  Bayard 2006

 

Résumé

 

« On se marie aujourd’hui de moins en moins et on se sépare de plus en plus. Cette tendance lourde et apparemment inexorable de nos sociétés occidentales serait-elle sans effets sur les personnes et sur la famille ? Peut-on commencer à dresser le bilan de cette mutation ? Peut-on, sans briser un tabou, tenter d’évaluer le prix à payer de ce changement ?

Afin d’écarter tout a priori idéologique, les Associations familiales catholiques ont choisi d’aborder cette question en faisant travailler de façon autonome des chercheurs indépendants. Philosophes, sociologue, juriste, psychanalyste et théologien se sont donc emparés de cet objet d’études neuf : « le coût du non-mariage ». Malgré des approches différentes, la convergence est troublante. Non seulement ces études mettent à nu les multiples souffrances affectives, psychologiques, identitaires que le  « non-mariage » fait subir aux personnes, en premier lieu aux enfants et aux pères, non seulement elles permettent d’avoir une idée de l’extraordinaire coût social et économique de ce changement, mais elles montrent aussi combien le « démariage », censé accroître nos libertés, est en réalité source d’instabilité identitaire et d’encadrement judiciaire, et par là même porteur de dangers pour la liberté des personnes et pour la démocratie..

Un livre tonique, sans concessions, qui bouleverse bien des idées reçues. »

 

Quelques extraits de l’avant-propos

 

Le but de cet ouvrage est d’ « identifier les conséquences de choix de vie aujourd’hui très divers. » (p.9) …Ces choix désormais multiples sont-ils sans conséquences ? « Le plus souvent, on s’interdit ce type de réflexion. Pour certains, évoquer les conséquences négatives des choix des individus semble remettre en cause le principe même de leur liberté. »

 

Ce livre voudrait « éviter les visions simplistes » et privilégier une « approche réaliste » et pluridisciplinaire, qui « observer les difficultés spécifiques des uns et des autres » (p.11)

 

Estimant que nous avons désormais assez de recul pour observer les différentes situations, il se propose d’ « enrichir le débat des idées par l’épreuve des faits » (p.13).

 

 

 

à Pierre Benoit , philosophe,  souligne pour sa part que, le non-mariage étant le système de laconjugalité individuée, son coût est celui de « l’éphémère et de ses conséquences ». Il souligne le lien étroit entre cette désaffection du mariage et les révolutions féministe et sexuelle et évoque dès lors comme coût social  une « diminution de la lisibilité de la famille, une fragilisation de sa durée, une précarisation de l’enfant et de son droit à être élevé par ses deux parents, une diminution de la puissance et de la norme masculines dans la société. »

 

 -Et, citant le sociologue et philosophe Zygmunt Bauman, « dans la société liquide de l’éphémère, la forme normale de la sexualité est celle des changements de partenaires, de l’échangisme, dans le cadre d’une « sexualité sans risque »(safe sex) et d’un « amour liquide »…L’individu se définit donc désormais comme un être libre de ses liens, soucieux de son bonheur individuel dans le temps, demandeur éventuellement d’une institution de « reconnaissance » de ses liens et non d’organisation de ceux-ci….

 

Si le mariage est une alliance, le non-mariage sera, lui, une « désalliance ». Le non-mariage est donc une réalité culturelle niant toutes ou partie des composantes humaines et humanisantes du mariage. (Cohabitation : refus d’une parole, divorce qui ne respecte pas la promesse, PACS indépendant de l’identité sexuelle et d’une promesse définitive…).

 

à En analysant le coût juridique du non-mariage, Bernadette Barthelet tire quant à elle la sonnette d’alarme, et souligne combien celui-ci produit non seulement un déficit de protection au niveau des plus faibles (le mariage restant la forme la plus sécurisée des unions), mais encore un contrôle social accru au détriment de la liberté personnelle.

 

àJean-Marc Ghitti, philosophe, dénonce, entre autres, les manipulations possibles de l’opinion publique par les medias. Il rappelle les mots de M.Foucault : « Nous sommes entrés dans un type de société où le pouvoir de la loi est en train non pas de régresser, mais de s’intégrer à un pouvoir beaucoup plus général : en gros celui de la norme. » Or, dans le système actuel, « ce qui est normal, c’est d’aller dans le sens du divorce, c’est d’entrer dans une logique de famille dissociée. »

Que nous réservera l’avenir ? Plus les couples se sépareront, moins les enfants croiront qu’il est possible de rester ensemble ? Ou bien réagiront-ils et donneront-ils au mariage une nouvelle valeur en refondant, peut-être autrement, l’ordre matrimonial ?

« Le besoin de s’unir dans la promesse réciproque, comme dit Pierre Benoît, n’est-il pas un de ces besoins irréductibles de l’âme humaine ? » (note de RYL : c’est bien ce que nous pouvons confirmer à travers nos rencontres avec les jeunes : la plupart d’entre eux sont fortement habités par ce désir, même si plusieurs d’entre eux, effrayés par ce qui les entoure, se demandent si ce souhait de leur cœur est réalisable)

 

à Jacques Arènes , psychanalyste

« Les parents s’aiment, les enfants récoltent. »

 

« Nous pouvonsdisposer d’un certain nombre d’éléments, notamment en ce qui concerne les effets des séparations (incidence sur les enfants en termes de comportements à risque, effets protecteurs du mariage en ce qui concerne le suicide, la dépression chez les adultes). » (p.201)

 

« La souffrance est bien plus vive quand elle est niée. Le coût psychique du non-mariage, en ce qui concerne les séparations, est lié à la banalisation et au déni du divorce comme épreuve. Car il existe, tout comme avant, une idéologie moderne du mariage et du divorce. Ce « bon » divorce souhaité par l’idéologie actuelle, suppose une décision conjointe face à l’échec du couple…. La séparation est pourtant une épreuve, au premier chef pour l’enfant. De nombreuses études, souvent scientifiquement plus étayées dans les pays anglo-saxons, indiquent les difficultés plus importantes rencontrées par les enfants de familles séparées. Elles montrent ainsi une plus grande vulnérabilité chez les enfants de familles séparées (monoparentales ou  « recomposées ») en termes de performance scolaire, de problèmes affectifs ou psychologiques, de risques d’accidents, que chez les enfants issus de familles « biparentales intactes » (parents initiaux) (1). Certaines autres études ont évalué l’impact de la séparation des années après : ainsi, une enquête longitudinale a mis en évidence que les troubles du comportement après l’âge de 21 ans seraient reliés à la séparation des parents, notamment si celle-ci s’est effectuée tôt dans la vie de l’enfant. Une enquête, auprès d’un vaste échantillon transversal de 4000 jeunes de 12 à 19 ans, effectuée assez récemment en France, avec un certain nombre de garanties quant à la méthodologie, a permis de noter une relation entre la rupture familiale (séparation, divorce, décès) et la plupart des comportements d’essais, de risque et de contact avec la violence (violence agie et subie, prise de risque au cours des derniers mois, violence auto-agressive du suicide), et de l’expérimentation de drogues licites ou illicites (alcool, tabac, cannabis) (2). Cette étude a montré enfin la fragilité particulière des enfants issus de familles « recomposées » (idéation suicidaire, suicide par

exemple ). pp 207 à 209

 

à Xavier Lacroix, théologien et philosophe, nous rappelle qu’une enquête récente montrait que, pour 90% des jeunes de 18 à 25 ans interrogés, le préférable était « que le couple dure toute la vie » (3).

Il rappelle le coût pour la collectivité des fragilités familiales, surtout au niveau des enfants et des pères, et s’étonne que la question de la prévention dans ce domaine relève presque du tabou.

 

« L’union libre, c’est je et tu ; le mariage, c’est nous. » écrivait Jean Lacroix. « Dans l’union libre, souligne Xavier Lacroix, chacun se considère comme un individu séparé, souverainement indépendant, délié, non lié. Il considère que la norme est d’investir dans la relation, de se considérer comme lié tant que sa vie affective, son psychisme, y trouvent de l’intérêt, et de se retirer de la relation, de se désinvestir, lorsque son ego n’y trouve plus son épanouissement… Cette logique est conforme à la philosophie utilitaire qui gouverne presque sans partage notre culture. » Mais avec la perte du sens du lien, c’est la perte du sens de la personne qui est atteint !

 

L’enfant a un besoin fondamental de cohérence, et chaque dissociation dans la parenté produit une discontinuité dans sa vie et est une difficulté de plus dans son histoire. Or le mariage « n’est pas seulement la consécration de l’amour d’un couple, mais l’acte fondateur où les enfants pourront advenir et grandir. »

 

(1) D.A.Dawson, »Family Structure and Children’s Health and Well-Being .Journal of Marriage and the Family, 1991, 53, pp.573-584.

(2)J.Arènes, M.-P.Janvrin, F.Baudier, Baromètre santé jeunes 97/98, Vanves, édit.CFES, 1998.

(3) Sondage CSA pour le magazine ça m’intéresse, août 1998

 

 

2) Piet Bracke, sociologue

Les enfants du divorce plus fragiles ?

 

Piet Bracke, du département de sociologie de l’université de Gand, a conduit tout récemment une enquête portant sur 4727 hommes et femmes d’une quarantaine d’années, dont les parents se sont séparés il y a plus de 20 ans. Ces personnes, constate-t-il, ont des relations moins stables. Elles vont plutôt cohabiter que se marier (or d’autres enquêtes confirment que les relations des cohabitants sont statistiquement moins durables que celles des personnes mariées) et, si elles se marient, ont deux fois plus de risques de divorcer.

 

 Par ailleurs, ces enfants de divorcés ont de 25 à 35 pc de risques supplémentaires de devenir dépressifs. Ils ont des revenus plus modestes, ce qui les fragilise encore. La douleur de la séparation semble rester vive, même s’ils sont adultes et engagés dans des relations épanouissantes.

 

L’auteur reconnaît que ces résultats sont difficiles à entendre pour des personnes divorcées. Il insiste sur le fait qu’il ne s’agit en rien d’un jugement de valeur, mais bien d’une enquête objective, et qu’ « il ne faut pas se mettre la tête sous le sable ».

Piet Bracke conclut : « De manière générale, nous pouvons conclure qu’une séparation (un divorce) constitue un événement préjudiciable à la santé mentale. »