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Philippe van MEERBEECK

Psychiatre et psychanaliste, professeur à la faculté de médecine de l’UCL, auteur de nombreux livres sur l’adolescence.

«Je pense peu de bien de cette campagne. Je me bats depuis 20 ans contre ce type de « prévention » que j’estime naïve, inefficace, médicalisante et finalement toxique. Si cette brochure peut éventuellement être de quelque utilité à des jeunes de 16-17 ans, pour des enfants de 13 ans, elle tend plutôt à susciter ce qu’elle prétend combattre!

Cette campagne est naïve en ce qu’elle reflète les soucis et les fantasmes des adultes à propos de la sexualité des jeunes, et qu’elle méconnait leurs attentes réelles, leurs désirs, leurs besoins. Elle est inefficace parce que le savoir ne met pas à l’abri des imprudences. C’est évident depuis qu’on diffuse tous azimuts de l’information sur le sida. L’amour et la sexualité sont rarement des conduites guidées par la rationalité. Enfin elle est toxique parcequ’elle renforce l’idée qu’à 13 ans, on est prêt à aborder une vie sexuelle, et qu’on possède le discernement nécessaire pour faire des choix libres. Ce qui se révèle, dans notre expérience de consultation, totalement faux!

Il faut savoir que 12-14 ans est l’âge où les filles sont le plus différentes des garçons. Il y aurait grand intérêt à aborder cette tranche d’âge en groupes séparés. Ensuite, ce qui me parait prioritaire en ce moment, c’est de les aider à ne pas être dupes de ce qu’ils voient à la télévision et sur Internet en matière de sexe. Beaucoup de ces images véhiculent une sexualité instinctuelle, violente, irréaliste, qui trouble les très jeunes adolescents. Leur sexualité juvénile est d’abord une quête d’amour, de reconnaissance, d’émotions. Ce dont ils ont besoin, c’est de rencontrer des adultes qui ont dépassé la nostalgie de leur propre adolescence, et qui osent dire aux filles de 13 ans : « Tu peux dire non ! », ou aux garçons : « Cela n’est pas de ton âge, attends encore un peu ! ». Les filles doivent savoir que si elles refusent de coucher parcequ’elles ne se sentent pas prêtes, ce n’est pas pour cela que leur ami les quittera. C’est même souvent le contraire.

En ce qui concerne l’augmentation du nombre de grossesses chez les adolescentes, cela ne représente qu’un très petit nombre de cas. Et s’il est en légère augmentation, c’est à mon avis à cause de la promotion tapageuse du préservatif qui a été faite dans le cadre des campagnes prévention-sida. On a fait passer auprès des jeunes le message : faites tout ce que vous voulez en matière de sexe, à n’importe quel âge, du moment que vous mettez un préservatif ! Or, on sait bien que le préservatif est un moyen de contraception non seulement embêtant à utiliser, mais peu sûr. Ce qui est passé, c’est la banalisation du sexe, voire une norme sociale subtile : si on ne l’a pas fait avant 14 ans, n’est-on pas « anormal » ?.

'Propos recueillis par Marthe Mahieu. Février 2007.'

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