Les neurosciences nous enseignent que l’amygdale, une petite glande en forme d’amande située dans le cerveau "affectif" constitue une sorte de "carte mémoire émotionnelle" qui enregistre les impacts et les ambiances affectives vécues durant la grossesse, et également les circonstances entourant la naissance. "L’amygdale n’oublie pas !" (Dr Guenguen).

 

Dans la GPA, la cellule familiale se trouve "désarticulée" à la base de sa fondation. En effet, nous y constatons une série de ruptures de l’unité relationnelle bio-psycho-sociales : sortie de la relation charnelle et amoureuse fécondante; lorsqu’il s’agit de donneurs externes, apport de matériel génétique étranger - lui-même chargé d’une histoire ; embryons "fabriqués" dans une éprouvette; pertes et/ou congélation de "frères et sœurs" du futur bébé, grossesse dans le ventre d’une femme étrangère à l’enfant; séparation/abandon délibéré du bébé de sa "mère" de naissance afin de le transférer aux parents d’intention. Toutes ces ruptures fragilisent inévitablement l’enfant dans la construction de son identité.

 

Si un adulte, ici une femme, peut décider de ne pas s’attacher au bébé qu’elle porte pour autrui, un embryon, un fœtus, un bébé, n’a pas cette capacité : pour lui, le processus d’attachement qui débute dès la grossesse est un processus biopsychologique naturel ayant pour objectif de rechercher proximité, protection et sécurité auprès de l’adulte qui le "porte".

 

Dès lors, séparer l’enfant de celle qui l’a porté durant neuf mois et à laquelle il s’est attaché représente pour l’enfant une rupture traumatique, un traumatisme majeur dans la vie naissante d’un enfant. De même, les conditions "morcelées" dans lesquelles un enfant est conçu laissent une trace indélébile et marquante dans le psychisme et l’histoire psychosociale des enfants.

 

Il s’agit donc bien d’un préjudice existentiel de taille qui leur est fait. Sans parler de la privation essentielle de mère ou de père dans le cas de couples d’hommes ou de femmes.

 

Dans le panel de souffrances infantiles rencontrées au cours de mon expérience professionnelle, j’ai constaté que derrière toutes les séparations, ressenties subjectivement in utero à partir de circonstances qui font croire à l’enfant qu’il n’est pas le bienvenu (conflits de couple, deuils, maman anxieuse après une fausse couche et évitant de s’attacher à son bébé par crainte de le perdre, stress de toutes sortes ou solitude de la mère portant son enfant sans le soutien du père de l’enfant, etc.) se loge comme en toile de fond l’angoisse la plus archaïque inhérente à notre humanité : l’angoisse d’abandon. Le petit enfant vit une angoisse d’abandon majeure lorsqu’il a l’impression subjective de perdre sa mère ou lorsqu’il la perd réellement (objectivement).

 

Le système psychique et intellectuel du petit enfant n’est pas encore muni de ce qu’en psychologie nous appelons "la permanence du moi et de l’objet". Ainsi, l’éloignement de la mère de naissance dont il s’est laissé imprégner pendant neuf mois crée chez le tout-petit un stress qu’il assimile à une angoisse de mort. Le nouveau-né n’a en effet pas encore la maturité cognitive suffisante pour s’expliquer d’une façon consciente et raisonnée une situation d’éloignement de la "mère" qu’il connaît depuis autant de mois. En d’autres termes : "Maman c’est moi et moi c’est maman. Si je ne vois plus, n’entends plus, ne sens plus maman près de moi, je perds le sentiment de ma propre existence, j’entre en détresse et crains de mourir !"

 

La GPA touche de plein fouet la réalité du lien réciproque naissant "mère-enfant", "enfant-famille". Le morcellement des premières conditions d’existence des enfants nés par GPA entraîne pour eux des conséquences bio-psycho-­sociales néfastes et cela, tout au long de leur vie. Bien plus, l’impact de ces conditions de conception pourrait toucher leur famille et les générations suivantes, ainsi que la société en général.

 

Je me fais ici porte-parole de ces enfants n’ayant aucune voix propre pour crier cette atteinte majeure exercée de façon délibérée sur l’origine de leur vie.

 

En conclusion, si nous nous détournons de l’intérêt des enfants - les premiers concernés par la GPA - au profit de l’intérêt et du désir - louable, respectable et à accompagner - des adultes, nous glissons vers une société qui se fait complice de certains fantasmes humains qui généreront de façon programmée des troubles et des pathologies du lien, générateurs de violences psycho-­sociales.

 

Dès lors, au nom du principe de précaution, il nous faut mettre un frein au développement des technologies encourageant la GPA et interdire légalement celle-ci. Il s’agit de défendre les plus vulnérables dans la société ! Et qui n’est pas plus vulnérable que l’embryon livré par nature, en confiance, au bon sens des adultes ? Ces tout-petits sont nos adultes de demain, qui sait, nos futurs dirigeants !

 

Qui aura été traité avec respect, intelligence et sensibilité, a de fortes chances de traiter les autres et son environnement avec le même cœur, avec le même art de la connaissance humaine et du monde.

 

  Publié le vendredi 17 avril 2015 

La Libre Belgique

 

Une opinion d'Anne Schaub, psychothérapeute spécialisée dans l’analyse et le traitement des mémoires prénatales et psycho-généalogiques, des traumatismes de naissance et de la petite enfance.